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Photo du rédacteurLes Dessous de l'être

La terre et le cinéma

Demain, ou raconter une histoire positive


"Un jour dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes d’eau avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : - Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! Et le colibri lui répondit je le sais, mais je fais ma part. " [1]

Faire sa part, c’est peut être de là qu’il faut partir, si certains ont fait leur part c’est qu’ils ont su construire ensemble des projets, pour vivre mieux, vivre ensemble et surtout pour protéger notre Terre. Si certain-es ont eu envie de s’engager et de coopérer, c’est qu’ils se sont raconté-es une histoire et qu’ils ont voulu de leurs mains l’ancrer dans notre histoire à toustes.


Raconter une histoire, une histoire positive c’est ce qu’ont eu envie de faire Cyril Dion, co-fondateur du mouvement Colibri et Mélanie Laurent, actrice et réalisatrice, qui, à partir de 2013 se sont lancé-es dans l’aventure d’un documentaire, « Demain », sorti en 2015. Ils ont voulu raconter une histoire qui nous fasse du bien, une histoire qui nous montre que oui il est encore possible de faire quelque chose. Ils choisissent donc de partir ensemble sur les routes à la recherche de nouvelles initiatives, des groupes de citoyen-nes qui ont choisi de vivre autrement ou de revenir au fondamentaux de notre terre et de notre rapport à celle-ci. Ils ont voulu montrer ce qu’il y a de plus beau à partir d’un angle de narration, l’idée était d’être émerveillé-e par ce monde, par ces images, d'être ému-es par la destruction de la nature et le but était de montrer des gens qui se mettent ensemble pour construire un autre monde, et d’avoir envie ensuite d’habiter dans ce monde-ci. Ce documentaire retrace alors les initiatives possibles pour sauver nos ressources et notre terre. Montrer que des milliers de femmes et d’hommes ont choisit de vivre autrement et de coopérer, autant dans l’agriculture, l’énergie, l’économie que dans l’éducation et la démocratie.



Alors, quel a été l’impact de « Demain » ? Qu'a t-il entraîné ? Qu’est-ce qui a marché, qu’est ce qui n’a pas marché ? Cyril Dion choisit de nous répondre dans son documentaire sorti en 2019 « Après Demain ». Pour ce faire, il embarque Laure Noualhat, journaliste, collapsologue, sceptique face à ces initiatives citoyennes et humaines comme faire un jardin partagé sur les toits de la poste de Paris dans le 18ème, fournir des panneaux photovoltaïques pour cent familles en France, passant du projet des Incroyables Comestibles à la monnaie locale. Des initiatives qui font rêver et qui font du bien. Et pourtant le propre de l’utopie n’est-il pas de ne plus en être une à partir du moment où elle se réalise ? Puisque le réel n’est pas l’essence de l’utopie, ces initiatives marchent-elles véritablement ? Ne sont-elles pas trop illusoires et utopistes ?


Cyril choisit de faire un film à deux voix, il pense qu’il faut changer les mentalités alors que Laure est plus circonspecte à l’idée que cela puisse se transformer. Son idée à elle c’est de « partir du fait que nous soyons désespéré-es de ce qui arrive et nous en servir comme d’un trampoline pour imaginer le monde d’après ». Laure Noualhat fait le point sur les micro-initiatives citoyennes engendrées. Elle nous dit qu’à la suite de « Demain » plus de mille projets ont été lancés et partagés, certain-nes ont changé de métier, se sont mis-es à recycler, ont fait pousser des légumes, ont lu, réfléchi. Laure Noualhat rencontre le maire de Grenoble Eric Piolle, qui oui, va au boulot à vélo, avec son panier et sa cape de pluie sur le dos, Enercop se propose de faire mille toitures photovoltaïques, à Bayonne on choisit de payer en monnaie locale. En avant pour L’Euskal moneta, ici plus de cinq cents commerces fonctionnent avec ce type d’économie. A Paris, sur les toits de la poste, Sophie nous propose des jardins partagés grâce à son mouvement « facteur de graines ». Chaque projet naît, prend de l’ampleur et impacte positivement le monde à son échelle. Depuis « Demain » Les Incroyables Comestibles plantent leurs légumes dans plusieurs villes de France, dans les rues, les places des mairies et les jardins publics. Même si Laure Noualhat n’y croit plus et pense que ces initiatives sont trop petites ou ont peu d’impact, peu importe, pour Cyril Dion, chacun fait sa part, et oui des milliers de personnes se sont passionnés pour leurs initiatives de potagers urbains, d’énergies renouvelables, de monnaies locales, pour la réduction des déchets etc... Ce qui est le plus important pour Cyril, c’est une énergie portée vers le changement mais qui soit collective : « pour moi, une société se fonde d’abord sur une histoire partagée » . Cyril accorde de l’importance à l’influence du-de la citoyen-ne. Et pour que cela marche on a besoin d’un récit, un nouveau récit pour faire face à l’effondrement écologique, les citoyen-nes doivent être d’accord sur le constat de la planète. Il prône donc un engagement total des femmes et des hommes devant le nouvel impératif écologique. Il nous invite à deux choses, refuser le déni, et augmenter la résilience.



Mais dis donc Laure Noualhat, il semblerait qu’une révolution positive soit possible, des belles initiatives locales qui répondent à des enjeux écologiques ont vu le jour et marchent, elles ne sont pas des utopies puisqu’elles sont bien réelles. Des espaces utopiques, « des espaces autres ou contre espaces », comme dirait Foucault dans ses Hétérotopies, ont vu le jour. Des espaces autres parce qu’ils réinventent la terre, ils réinventent l’énergie, l’éducation et même la démocratie. Des citoyens s’approprient la terre en accord avec elle, en respectant l’humain-e et ses limites, ses possibilités. Iels donnent à voir des espaces où vivre autrement en accord avec soi, avec l’autre, avec la biodiversité et surtout la sauvegarde de nos ressources et de la nature se réalisent. On voit surtout une belle énergie chez les citoyen-nes, aussi l’attention des élu-es, des collectivités, un immense espoir est notable. Finalement, c’est parce que les gens avaient besoin de voir des initiatives positives, enthousiasmantes, libératrices que le changement est en route.


« Demain » puis « Après Demain » nous montrent que si l’on travaille ensemble, on peut embarquer des millions de gens pour changer. Le but est de travailler ensemble, et surtout d’y croire même si ce n’est qu’uniquement faire sa part. Cyril Dion nous rappelle d’ailleurs son mantra « quoi qu’il arrive, il faut continuer à donner envie pour construire un récit différent, une nouvelle fiction collective. Car tout ce que chacun pourra faire améliorera la résilience de nos sociétés ». C’est pourquoi raconter une histoire positive c’est possible, nos sociétés doivent être animées par cette énergie et chacun-e peut renouer un contact avec la terre de ses mains, avec son corps mais aussi avec son esprit. L’alliance des esprits, des idées et des initiatives fait naître des milliers d’inventions et un nouveau monde pour aujourd’hui et plus pour demain.


« Demain » a fait 1 million de spectateur-ices, a reçu un césar, depuis maintenant cinq ans il y a eu les marches et les grèves pour le climat, il y a eu des figures émergentes comme Greta Thunberg, Leah Namugerwa, Catarina Lorenzo, Adelaïde Charlier, il y a en ce moment même la convention citoyenne qui regroupe cent-cinquante français-es qui doivent proposer des solutions face à l’effondrement du climat. On avait cet esprit positif incarné par Cyril et Mélanie dans « Demain », certain-nes ont pris conscience qu’il fallait changer sa manière de vivre, de faire, mais aujourd’hui on nous parle de collapsologie, de sept degrés en plus d’ici un siècle où certaines terres ne seront plus habitables, que devons nous tirer de cela ? Les initiatives, les élans des citoyen-nes ont-ils un véritable impact ? On nous dit que faire sa part représente seulement 30% des efforts à effectuer pour incliner positivement le problème, les 70% restants reviennent aux usines, aux grands lobbies, et aux décisions politiques. Pour aborder cet effondrement, faire sa part n’est plus suffisant, les Etats doivent plus que jamais prendre des décisions qui engageront ce changement. Le citoyen peut faire sa part en incitant la transformation de faire de la politique. Cet effondrement climatique ne doit-il pas se penser comme une véritable philosophie de vie, transformer nos manières de travailler, de manger, de voyager, de se déplacer, d’habiter nos villes, de nous habiller, d’éduquer ? Ne faut-il pas changer totalement les mentalités pour que l’action puisse advenir ?




Nous doutons encore des initiatives, de celleux qui ont décidé de vivre autrement puisqu’iels ne sont qu’une petite partie face aux industriel-les, aux politiques, aux collectivités qui n’ont pas encore pris ce tournant. Cyril Dion nous le rappelle, à partir d’aujourd’hui il ne faudrait plus aucune nouvelle industrie d’énergies fossiles. Les discours changent, évoluent, on prend conscience mais certain-nes ne s’effrayent pas encore face à ce dérèglement puissant que nous vivons chaque jour, certain-nes doutent et n’y croient pas. Pourtant, nous ne pouvons plus le nier, nous devons réfléchir à notre manière de penser, de vivre, de comprendre les choses. Je reste persuadée que nous devons être dans un mode de vie décroissant, un retour à la simplicité s’impose, plus en harmonie avec la nature. Alors oui, « Demain » puis « Après Demain » nous ont permis de prendre conscience que des projets alternatifs existaient, que de manger, cultiver différemment, plus simplement, moins abondamment était possible. Il faut poursuivre ce chemin et embarquer toujours plus de citoyen-nes, de politiques, d’industriel-les vers ce monde de demain.




Luna Bossuet


1. Pierre Rabhi, Mouvement colibri 1


Bibliographie et sources :


  • Documentaire Demain, Cyril Dion Mélanie Laurent, 2015

  • Documentaire Après Demain, Cyril Dion, Laure Noualhat, 2019

  • https://www.telerama.fr/television/apres-demain-fait-eclore-de-nouvelles-initiatives-citoyennes,-trois-ans-apres- demain,n5917602.php

  • https://www.rts.ch/info/culture/cinema/10283203--apres-demain-le-film-qui-revient-sur-les-initiatives- inspirees-par-demain-.html

  • https://www.liberation.fr/debats/2017/04/12/le-monde-apres-demain_1562297

  • https://www.franceinter.fr/emissions/le-temps-d-un-bivouac/le-temps-d-un-bivouac-17-juillet-2018-0

  • https://www.femininbio.com/agir-green/actualites-nouveautes/apres-demain-cyril-dion-laure-nouahlat- interview-co-realisatrice-95266

  • https://www.colibris-lemouvement.org/projets/films/demain-film

  • https://www.demain-lefilm.com/les-amis-du-film

  • https://www.demain-lefilm.com/enseignants

  • Vidéo La Grande Librairie, un nouveau monde à construire 2019

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